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Liv. V. Chap. XVIII.


CHAPITRE XVIII.

Des récompenses que le souverain donne.


Dans les gouvernemens despotiques, où, comme nous l’avons dit, on n’est déterminé à agir que par l’espérance des commodités de la vie, le prince qui récompense n’a que de l’argent à donner. Dans une monarchie, où l’honneur regne seul, le prince ne récompenseroit que par des distinctions, si les distinctions que l’honneur établit n’étoient jointes à un luxe qui donne nécessairement des besoins : le prince y récompense donc par des honneurs qui menent à la fortune. Mais dans une république où la vertu regne, motif qui se suffit à lui-même, & qui exclut tous les autres, l’état ne récompense que par des témoignages de cette vertu.

C’est une regle générale, que les grandes récompenses, dans une monarchie & dans une république, sont un signe de leur décadence ; parce qu’elles prouvent que leurs principes sont corrompus ; que d’un côté l’idée de l’honneur n’y a plus tant de force, que de