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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/313

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Liv. V. Chap. XIX.

doit vivre, agir & penser que pour elle ; il ne peut donc pas les refuser[1]. Dans le second, les magistratures sont des témoignages d’honneur : or telle est la bizarrerie de l’honneur, qu’il se plaît à n’en accepter aucun que quand il veut, & de la maniere qu’il veut.

Le feu roi de Sardaigne[2] punissoit ceux qui refusoient les dignités & les emplois de son état ; il suivoit, sans le savoir, des idées républicaines. Sa maniere de gouverner d’ailleurs prouve assez que ce n’étoit pas là son intention.

Seconde question. Est-ce une bonne maxime, qu’un citoyen puisse être obligé d’accepter dans l’armée une place inférieure à celle qu’il a occupée ? On voyoit souvent chez les Romains le capitaine servir l’année d’après sous son lieutenant[3]. C’est que, dans les républiques, la vertu demande qu’on fasse à

  1. Platon, dans sa république, liv. VIII. met ces refus au nombre des marques de la corruption de la république. Dans ces lois, liv. VI. il veut qu’on les punisse par une amende. A Venise, on les punit par l’exil.
  2. Victor Amédée.
  3. Quelques centurions ayant appellé au peuple pour demander l’emploi qu’ils avoient eu : Il est juste, mes compagnons, dit un centurion, que vous regardiez comme honorables tous les postes où vous défendriez la république. Tite-Live, liv. XLII.