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Liv. VII. Chap. IV.

du laboureur à l’artisan, au négociant, aux nobles, aux magistrats, aux grands seigneurs, aux traitans principaux, aux princes, sans quoi tout seroit perdu.

Dans le sénat de Rome, composé de graves magistrats, de jurisconsultes & d’hommes pleins de l’idée des premiers temps, on proposa sous Auguste la correction des mœurs & du luxe des femmes. Il est curieux de voir dans Dion[1] avec quel art il éluda les demandes importunes de ces sénateurs. C’est qu’il fondoit une monarchie, & dissolvoit une république.

Sous Tibere, les édiles proposerent dans le sénat le rétablissement des anciennes lois somptuaires[2]. Ce prince, qui avoit des lumieres, s’y opposa : « L’état ne pourroit subsister, disoit-il, dans la situation où sont les choses. Comment Rome pourroit-elle vivre ? comment pourroient vivre les provinces ? Nous avions de la frugalité, lorsque nous étions citoyens d’une seule ville ; aujourd’hui nous consommons les richesses de tout l’univers ; on fait travailler pour nous les maîtres & les esclaves ». Il voyoit bien qu’il

  1. Dion Cassius, liv. LIV.
  2. Tacite, Ann. liv. III.