Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
Liv. VIII. Chap. V.


L’extrême corruption est lorsque les nobles deviennent héréditaires[1] ; ils ne peuvent plus guere avoir de modération. S’ils sont en petit nombre, leur pouvoir est plus grand, mais leur sureté diminue ; s’ils sont en plus grand nombre, leur pouvoir est moindre, & leur sureté plus grande : en sorte que le pouvoir va croissant, & la sureté diminuant, jusqu’au despote sur la tête duquel est l’excès du pouvoir & du danger.

Le grand nombre des nobles dans l’aristocratie héréditaire rendra donc le gouvernement moins violent : mais comme il y aura peu de vertu, on tombera dans un esprit de nonchalance, de paresse, d’abandon, qui fera que l’état n’aura plus de force ni de ressort[2].

Une aristocratie peut maintenir la force de son principe, si les lois sont telles qu’elles fassent plus sentir aux nobles les périls & les fatigues du commandement que ses délices ; & si l’état est dans une telle situation, qu’il ait quelque chose à redouter ; & que la sureté vienne du dedans, & l’incertitude du dehors.

  1. L’aristocratie se change en oligarchie.
  2. Venise est une des républiques qui a le mieux corrigé par ses lois les inconvéniens de l’arsitocratie héréditaire.