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De l’esprit des Lois,

celui de Gnide, où la loi ne permettant point d’appeler en jugement les amimones[1], même après leur administration[2], le peuple ne pouvoit jamais se faire rendre raison des injustices qu’on lui avoit faites.

Quoiqu’en général la puissance de juger ne doive être unie à aucune partie de la législative, cela est sujet à trois exceptions, fondées sur l’intérêt particulier de celui qui doit être jugé.

Les grands sont toujours exposés à l’envie ; & s’ils étoient jugés par le peuple, ils pourroient être en danger, & ne jouiroient pas du privilege qu’a le moindre des citoyens dans un état libre d’être jugé par ses pairs. Il faut donc que les nobles soient appellés, non pas devant les tribunaux ordinaires de la nation, mais devant cette partie du corps législatif, qui est composé de nobles.

Il pourroit arriver que la loi, qui est en même temps clair-voyante & aveugle, seroit en de certains cas trop ri-

  1. C’étoient des magistrats que le peuple élisoit tous les ans. Voyez Etienne de Bisance.
  2. On pouvoit accuser les magistrats Romains après leur magistrature. Voyez dans Denys d’Halicarnasse, liv. IX. l’affaire du tribun Genutius.