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Liv. XI. Chap. XI.

que nous connoissons, le prince a la puissance exécutrice & la législative, ou du moins une partie de la législative, mais il ne juge pas.

Dans le gouvernement des rois des temps héroïques, les trois pouvoirs étoient mal distribués. Ces monarchies ne pouvoient subsister : car dès que le peuple avoit la législation, il pouvoit au moindre caprice anéantir la royauté, comme il fit par-tout.

Chez un peuple libre, & qui avoit le pouvoir législatif ; chez un peuple renfermé dans une ville, où tout ce qu’il y a d’odieux devient plus odieux encore, le chef-d’œuvre de la législation est de savoir bien placer la puissance de juger. Mais elle ne le pouvoit être plus mal que dans les mains de celui qui avoit déjà la puissance exécutrice. Dès ce moment, le monarque devenoit terrible. Mais en même temps, comme il n’avoit pas la législation, il ne pouvoit pas se défendre contre la législation ; il avoit trop de pouvoir, & il n’en avoit pas assez.

On n’avoit pas encore découvert que la vraie fonction du prince étoit d’établir des juges, & non pas de juger