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Liv. XI. Chap. XV.


CHAPITRE XV.

Comment, dans l’état florissant de la république, Rome perdit tout à coup sa liberté.


Dans le feu des disputes entre les patriciens & les plébéiens, ceux-ci demanderent que l’on donnât des lois fixes, afin que les jugemens ne fussent plus l’effet d’une volonté capricieuse, ou d’un pouvoir arbitraire. Après bien des résistances, le sénat y acquiesça. Pour composer ces lois, on nomma des décemvirs. On crut qu’on devoit leur accorder un grand pouvoir, parce qu’ils avoient à donner des lois à des partis qui étoient presqu’incompatibles. On suspendit la nomination de tous les magistrats, & dans les comices, ils furent élus seuls administrateurs de la république. Ils se trouverent revêtus de la puissance consulaire & de la puissance tribunitienne. L’une leur donnoit le droit d’assembler le sénat ; l’autre, celui d’assembler le peuple : mais ils ne convoquerent ni le sénat ni le peuple. Dix hommes dans la république eurent