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Liv. XI. Chap. XVIII.

cette affaire. Coriolan, accusé par les tribuns devant le peuple, soutenoit, contre l’esprit de la loi Valérienne, qu’étant patricien, il ne pouvoit être jugé que par les consuls : les plébéiens, contre l’esprit de la même loi, prétendirent qu’il ne devoit être jugé que par eux seuls, & ils le jugerent.

La loi des douze tables modifia ceci. Elle ordonna qu’on ne pourroit décider de la vie d’un citoyen, que dans les grands états du peuple[1]. Ainsi le corps des plébéiens, ou ce qui est la même chose, les comices par tribus ne jugerent plus que les crimes dont la peine n’étoit qu’une amende pécuniaire. Il falloit une loi pour infliger une peine capitale : pour condamner à une peine pécuniaire, il ne falloit qu’un plébiscite.

Cette disposition de la loi des douzes tables fut très-sage. Elle forma une conciliation admirable entre le corps des plébéiens & le sénat. Car, comme la compétence des uns & des autres dépendit de la grandeur de la peine & de

  1. Les comices par centuries. Aussi Manliux Capitolinus fut-il jugé dans ces comices. Tite-Live, décade premiere, liv. VI. P. 68.