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De l’esprit des Lois,


CHAPITRE XI.

Des pensées.


Un Marsias songea qu’il coupoit la gorge à Denys[1]. Celui-ci le fit mourir, disant qu’il n’y auroit pas songé la nuit, s’il n’y eût pensé le jour. C’étoit une grande tyrannie : car, quand même il y auroit pensé, il n’avoit pas attenté[2]. Les lois ne se chargent de punir que les actions extérieures.




CHAPITRE XII.

Des paroles indiscrettes.


Rien ne rend encore le crime de lese-majesté plus arbitraire, que quand des paroles indiscrettes en deviennent la matiere. Les discours sont si sujets à interprétation, il y a tant de différence entre l’indiscrétion & la malice, & il y en a si peu dans les expressions qu’elles emploient, que la loi ne peut guere soumettre les paroles à une peine capitale,

  1. Plutarque, vie de Denys.
  2. Il faut que la pensée soit jointe à quelque sorte d’action.