Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/594

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
De l’esprit des Lois,


CHAPITRE XXIII.

Des espions dans la monarchie.


Faut-il des espions dans la monarchie ? Ce n’est pas la pratique ordinaire des bons princes. Quand un homme est fidele aux lois, il a satisfait à ce qu’il doit au prince. Il faut au moins qu’il ait sa maison pour asile, & le reste de sa conduite en sureté. L’espionnage seroit peut-être tolérable, s’il pouvoit être exercé par d’honnêtes gens ; mais l’infamie nécessaire de la personne peut faire juger de l’infamie de la chose. Un prince doit agir avec ses sujets avec candeur, avec franchise, avec confiance. Celui qui a tant d’inquiétudes, de soupçons & de craintes, est un acteur qui est embarrassé à jouer son rôle. Quand il voit qu’en général les lois sont dans leur force, & qu’elles sont respectées, il peut se juger en sureté. L’allure générale lui répond de celle de tous les particuliers. Qu’il n’ait aucune crainte, il ne sauroit croire combien on est porté à l’aimer. Eh ! pourquoi ne l’aimeroit-on pas ? Il est la source de presque tout