Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxxiv
Éloge

ge ; ) d’avoir cité Plutarque, qui n’est pas un auteur chrétien ; de n’avoir point parlé du péché originel & de la grace. Il prétendit enfin que l’esprit des lois étoit une production de la constitution unigenitus ; idée qu’on nous soupçonnera peut-être de prêter par dérision au critique. Ceux qui ont connu M. de Montesquieu, l’ouvrage de Clément XI. & le sien, peuvent juger, par cette accusation, de toutes les autres.

Le malheur de cet écrivain dut bien le décourager : il vouloit perdre un sage par l’endroit le plus sensible à tout citoyen, il ne fit que lui procurer une nouvelle gloire, comme homme de lettres : la défense de l’esprit des lois parut. Cet ouvrage, par la modération, la vérité, la finesse de plaisanterie qui y regnent, doit être regardé comme un modele en ce genre. M. de Montesquieu, chargé par son adversaire d’imputations atroces, pouvoit le rendre odieux sans peine ; il fit mieux, il le rendit ridicule. S’il faut tenir compte à l’agresseur d’un bien qu’il a fait sans le vouloir, nous lui devons une éternelle reconnoissance de nous avoir procuré ce chef-d’œuvre. Mais, ce qui ajoute encore au mérité de ce morceau précieux, c’est que l’auteur s’y est peint lui même sans y penser : ceux qui l’ont connu croient l’entendre ; & la postérité s’assurera, en lisant sa