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de M. de Montesquieu.

rien, & ne s’étonnoit point d’être oublié : mais il a osé, même dans des circonstances délicates, protéger à la cour des hommes de lettres persécutés, célebres & malheureux, & leur a obtenu des graces.

Quoiqu’il vécût avec les grands, soit par nécessité, soit par convenance, soit par goût, leur société n’étoit pas nécessaire à son honneur. Il fuyoit, dès qu’il le pouvoit, à sa terre ; il y retrouvoit, avec joie sa philosophie, ses livres, & le repos. Entouré des gens de la campagne dans ses heures de loisir, après avoir étudié l’homme dans le commerce du monde & dans l’histoire des nations, il l’étudioit encore dans ces ames simples que la nature seule a instruites, & il y trouvoit à apprendre ; il conversoit gaiement avec eux ; il leur cherchoit de l’esprit, comme Socrate ; il paroissoit se plaire autant dans leur entretien, que dans les sociétés les plus brillantes, sur-tout quand il terminoit leurs différents, & soulageoit leurs peines par ses bienfaits.

Rien n’honore plus sa mémoire que l’économie avec laquelle il vivoit, & qu’on a osé trouver excessive, dans un monde avare & fastueux, peu fait pour en pénétrer les motifs, & encore moins pour les sentir. Bienfaisant, & par conséquent juste, monsieur de Montesquieu ne vouloit