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De l’esprit des Lois,

amere qu’il fait de cette même conversion dans ses Césars.

La religion païenne qui ne défendoit que quelques crimes grossiers, qui arrêtoit la main & abandonnoit le cœur, pouvoit avoir des crimes inexpiables : Mais une religion qui enveloppe toutes les passions ; qui n’est pas plus jalouse des actions que des désirs & des pensées ; qui ne nous tient point attachés par quelques chaînes, mais par un nombre innombrable de fils ; qui laisse derriere elle la justice humaine, & commence une autre justice ; qui est faite pour mener sans cesse du repentir à l’amour, & de l’amour au repentir ; qui met entre le juge & le criminel un grand médiateur, entre le juste & le médiateur un grand juge ; une telle religion ne doit point avoir de crimes inexpiables. Mais quoiqu’elle donne des craintes & des espérance à tous, elle fait assez sentir que, s’il n’y a point de crime qui par sa nature soit inexpiable, toute une vie peut l’être ; qu’il seroit très-dangereux de tourmenter sans cesse la miséricorde par de nouveaux crimes & de nouvelles expiations ; qu’inquiets sur les anciennes dettes, jamais quittes envers le Seigneur,