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De l’esprit des Lois,


Nous sommes extrêmement portés à l’idolâtrie, & cependant nous ne sommes pas fort attachés aux religions idolâtres ; nous ne sommes guere portés aux idées spirituelles, & cependant nous sommes très-attachés aux religions qui nous font adorer un être spirituel. C’est un sentiment heureux, qui vient en partie de la satisfaction que nous trouvons en nous-mêmes, d’avoir été assez intelligens pour avoir choisi une religion qui tire la divinité de l’humiliation où les autres l’avoient mise. Nous regardons l’idolâtrie comme la religion des peuples grossiers ; & la religion qui a pour objet un être spirituel, comme celle des peuples éclairés.

Quand, avec l’idée d’un être spirituel suprême, qui forme le dogme, nous pouvons joindre encore des idées sensibles qui entrent dans le culte, cela nous donne un grand attachement pour la religion ; parce que les motifs dont nous venons de parler, se trouvent joints à notre penchant naturel pour les choses sensibles. Aussi les catholiques, qui ont plus de cette sorte de culte que les protestans, sont-ils plus invinciblement attachés à leur religion que les protes-