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De l’esprit des Lois,

aux choses dont on est continuellement occupé ; témoin l’obstination tenace des Mahométans[1] & des Juifs, & la facilité qu’ont de changer de religion les peuples barbares & sauvages qui, uniquement occupés de la chasse ou de la guerre, ne se chargent guere de pratiques religieuses.

Les hommes sont extrêmement portés à espérer & à craindre ; & une religion qui n’auroit ni enfer ni paradis, ne sauroit guere leur plaire. Cela se prouve par la facilité qu’ont eue les religions étrangeres à s’établir au Japon, & le zele & l’amour avec lesquels on les y a reçues[2].

Pour qu’une religion attache, il faut qu’elle ait une morale pure. Les hommes, fripons en détail, sont en gros de très-honnêtes gens ; ils aiment la morale ; & si je ne traitois pas un sujet si grave, je dirois que cela se voit admira-

  1. Cela se remarque par toute la terre. Voyez sur les Turcs les missions du Levant ; le recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tome III. part. I. pag. 201, sur les Maures de Batavia ; & le P. Labat, sur les negres Mahométans, &c.
  2. La religion Chrétienne & les religions des Indes ; celles-ci ont un enfer & un paradis, au lieu que la religion des Sintos n’en a point.