Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 3.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
De l’esprit des Lois,


» Mais il faut avouer que vous être bien plus cruels que cet empereur. Vous nous faites mourir, nous qui ne croyons que ce que vous croyez, parce que nous ne croyons pas tout ce que vous croyez. Nous suivons une religion que vous savez vous-mêmes avoir autrefois été chérie de Dieu : nous pensons que Dieu l’aime encore, & vous pensez qu’il ne l’aime plus ; & parce que vous jugez ainsi, vous faites passer par le fer & par le feu ceux qui sont dans cette erreur si pardonnable, de croire que Dieu[1] aime encore ce qu’il a aimé.

» Si vous êtes cruels à notre égard, vous l’êtes bien plus à l’égard de nos enfans ; vous les faites brûler, parce qu’ils suivent les inspirations que leur ont données ceux que la loi naturelle & les lois de tous les peuples leur apprennent à respecter comme des dieux.

» Vous vous privez de l’avantage que vous a donné sur les Mahométans la maniere dont leur religion s’est établie. Quand ils se vantent du nombre de

  1. C’est la source de l’aveuglement des Juifs, de ne pas sentir que l’économie de l’évangile est dans l’ordre des desseins de Dieu ; & qu’ainsi elle est une suite de son immutabilité même.