Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 3.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
Liv. XXVI. Chap. XXIII.

même affoiblissoit le principal. On sait que l’état a intérêt d’avoir son chef chez lui, que les revenus publics soient bien administrés, que sa monnoie ne sorte point pour enrichir un autre pays. Il est important que celui qui doit gouverner ne soit point imbu de maximes étrangeres ; elles conviennent moins que celles qui sont déjà établies : d’ailleurs les hommes tiennent prodigieusement à leurs lois & à leurs coutumes ; elles font la félicité de chaque nation ; il est rare qu’on les change sans de grandes secousses & une grande effusion de sang, comme les histoires de tous les pays le font voir.

Il suit de-là que si un grand état a pour héritier le possesseur d’un grand état, le premier peut fort bien l’exclure, parce qu’il est utile à tous les deux états que l’ordre de la succession soit changé. Ainsi la loi de Russie faite au commencement du regne d’Elisabeth, exclut-elle très-prudemment tout héritier qui posséderoit une autre monarchie : ainsi la loi de Portugal rejette-t-elle tout étranger qui seroit appellé à la couronne par le droit du sang.