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De l’esprit des Lois,

furent plus en état de juger ; les pairs commencerent à se retirer des tribunaux du seigneur ; les seigneurs furent peu portés à les assembler : d’autant mieux que les jugemens, au lieu d’être une action éclatante, agréable à la noblesse, intéressante pour les gens de guerre, n’étoient plus qu’une pratique qu’ils ne savoient, ni ne vouloient savoir. La pratique de juger par pairs devint moins en usage[1] ; celle de juger par baillis s’étendit. Les baillis ne jugeoient pas[2] ; ils faisoient l’instruction, & prononçoient le jugement des prud’hom-

  1. Le changement fut insensible. On trouve encore les pairs employés du temps de Boutillier, qui vivoit en 1402, date de son testament, qui rapporte cette formule au liv. I, tit. 21. « Sire juge, en ma justice haute, moyenne & basse, que j’ai en tel lieu, cour, plaids, baillis, hommes féodaux & sergens ». Mais il n’y avoit plus que les matieres féodales qui se jugeassent pas pairs. Ibid. liv. I, tit. I, pag. 16.
  2. Comme il paroît par la formule des lettres que le seigneur leur donnoît, rapportée par Boutillier, somme rurale, liv. I, tit. 14. Ce qui prouve encore par Beaumanoir, coutume de Beauvoisis, chap. i, des baillis. Ils ne faisoient que la procédure. « Le bailli est tenu en la présence des hommes à penre les paroles de chaux qui plaident, & doit demander as parties se ils veulent avoir droit selon les raisons que ils ont dites ; & se ils disent, Sire, oïl, le bailli doit contraindre les hommes que ils fassent le jugement ». Voyez aussi les établissemens de S. Louis, liv. I, chap.cv ; & liv. II, chap. xv : « Li juge, si ne doit pas faire le jugement ».