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Liv. XXIX. Chap. III.


CHAPITRE III.

Que les lois qui paroissent s’éloigner des vues du Législateur, y sont souvent conformes.


La loi de Solon, qui déclaroit infames tous ceux qui, dans une sédition, ne prendroient aucun parti, a paru bien extraordinaire : mais il faut faire attention aux circonstances dans lesquelles la Grece se trouvoit pour lors. Elle étoit partagée en de très-petits états : il étoit à craindre, que dans une république travaillée par des dissentions civiles, les gens les plus prudens ne se missent à couvert, & que par-là les choses ne fussent portées à l’extrémité.

Dans les séditions qui arrivoient dans ces petits états, le gros de la cité entroit dans la querelle, ou la faisoit. Dans nos grandes monarchies, les partis sont formés par peu de gens, & le peuple voudroit vivre dans l’inaction. Dans ce cas, il est naturel de rappeller les séditieux au gros des citoyens, non pas le gros des citoyens aux séditieux : dans l’autre, il faut faire rentrer le petit nombre de