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De l’esprit des Lois,

vieilles qu’il a fait continuellement voiturer : il a donc fait hausser le change au point que nous venons de dire : cependant, à force de donner de ses lettres, il se saisit de toutes les especes nouvelles, & force les autres banquiers qui ont des paiemens à faire, à porter leurs especes vieilles à la monnoie ; & de plus, comme il a eu insensiblement tout l’argent, il contraint à leur tour les autres banquiers à lui donner des lettres à un change très-haut : le profit de la fin l’indemnise en grande partie de la perte du commencement.

On sent que, pendant toute cette opération, l’état doit souffrir une violente crise. L’argent y deviendra très-rare ; 1°. parce qu’il faut en décrier la plus grande partie ; 2°. parce qu’il en faudra transporter une partie dans les pays étrangers ; 3°. Parce que tout le monde le resserrera, personne ne voulant laisser au prince un profit qu’on espere avoir soi-même. Il est dangereux de la faire avec lenteur : il est dangereux de la faire avec promptitude. Si le gain qu’on suppose est immodéré, les inconvéniens augmentent à mesure.

On a vu ci-dessus que, quand le