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De l’esprit des Lois,

On n’auroit pu faire monter tout-à-coup les actions vingt ou vingt-cinq fois plus haut que leur premiere valeur, sans donner à beaucoup de gens le moyen de se procurer d’immenses richesses en papier : chacun chercheroit à assurer sa fortune ; & comme le change donne la voie la plus facile pour la dénaturer, ou pour la transporter où l’on veut, on remettroit sans cesse une partie de ses effets chez la nation qui regle le change. Un projet continuel de remettre dans les pays étrangers, feroit baisser le change. Supposons que, du temps du systême, dans le rapport du titre & du poids de la monnoie d’argent, le taux du change fût de quarante gros par écu ; lorsqu’un papier innombrable fut devenu monnoie, on n’aura plus voulu donner que trente-neuf gros par écu, ensuite que trente-huit, trente-sept, &c. Cela alla si loin, que l’on ne donna plus que huit gros, & qu’enfin il n’y eut plus de change.

C’étoit le change qui devoit en ce cas régler en France la proportion de l’argent avec le papier. Je suppose que, par le poids & le titre de l’argent, l’écu de trois livres d’argent valût quarante