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De l’esprit des Lois,

venoient que de temps en temps, les plaintes du peuple étoient continuelles & intimidoient toujours les créanciers. Cela fit que tous les moyens honnêtes de prêter & d’emprunter furent abolis à Rome, & qu’une usure affreuse, toujours foudroyée[1] & toujours renaissante, s’y établit. Le mal venoit de ce que les choses n’avoient pas été ménagées. Les lois extrêmes dans le bien font naître le mal extrême : il fallut payer pour le prêt de l’argent, & pour le danger des peines de la loi.




CHAPITRE XXII.

Continuation du même sujet.


Les premiers Romains n’eurent point de lois pour régler le taux de[2] l’usure. Dans les démêlés qui se formerent là-dessus entre les plébéiens & les patriciens, dans la sédition[3] même du mont Sacré, on n’allégua d’un côté que la foi, & de l’autre que la dureté des contrats.

  1. Tacite, annal. liv. VI.
  2. Usure & intérêt signifioient la même chose chez les Romains.
  3. Voyez Denys d’Halic. qui l’a si bien décrite.