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Liv. XXII. Chap. XXII.


Il falloit une nouvelle loi contre cet abus : & Gabinius[1] faisant la loi fameuse qui avoit pour objet d’arrêter la corruption dans les suffrages, dut naturellement penser que le meilleur moyen pour y parvenir, étoit de décourager les emprunts : ces deux choses étoient naturellement liées ; car les usures augmentoient[2] toujours au temps des élections, parce qu’on avoit besoin d’argent pour gagner des voix. On voit bien que la loi Gabinienne avoit étendu le sénatus-consulte Sempronien aux provinciaux, puisque les Salaminiens ne pouvoient emprunter de l’argent à Rome à cause de cette loi. Brutus, sous des noms empruntés, leur en prêta[3] à quatre pour cent par mois[4], & obtint pour cela deux sénatus-consultes ; dans le premier desquels il étoit dit que ce prêt ne seroit pas regardé comme une fraude[5] faite à la loi, & que le

  1. L’an 615 de Rome.
  2. Voyez les lettres de Cicéron à Atticus, liv. IV. lett. 15 & 16
  3. Cicéron à Atticus, liv. VI. lett. I.
  4. Pompée, qui avoit prêté au roi Ariobarsane six cents talens, se faisoit payer trente-trois talens Attiques tous les trente jours. Cicéron à Atticus, liv. III. lett. 21 : liv. VI, lett. I.
  5. Ut neque Salaminis, neque cui eis dedisset, fraudi esset. Ibid.