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Liv. XXXI. Chap. XXXII.

rité directe : un pouvoir qui devoit passer par tant d’autres pouvoirs, & par de si grands pouvoirs, s’arrêta ou se perdit avant d’arriver à son terme. De si grands vassaux n’obéirent plus ; & ils se servirent même de leurs arriere-vassaux pour ne plus obéir. Les rois, privés de leurs domaines, réduits aux villes de Rheims & de Laon, resterent à leur merci. L’arbre étendit trop loin ses branches, & la tête se sécha. Le royaume se trouva sans domaine, comme est aujourd’hui l’empire. On donna la couronne à un des plus puissans vassaux.

Les Normands ravageoient le royaume : ils venoient sur des especes de radeaux ou de petits bâtimens, entroient par l’embouchure des rivieres, les remontoient, & dévastoient le pays des deux côtés. Les villes d’Orléans & de Paris[1] arrêtoient ces brigands ; & ils ne pouvoient avancer ni sur la Seine, ni sur la Loire. Hugues Capet, qui possédoit ces deux villes, tenoit dans ses mains les deux clefs

  1. Voyez le capitulaire de Charles le chauve, de l’an 877, apud Carisiacum, sur l’importance de Paris, de Saint-Denys, & des châteaux sur la Loire, dans ces temps-là.