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Page:Montesquiou - Les Chauves-souris, 1907.djvu/88

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LES CHAUVES-SOURIS

Le calme de la nuit rassure le cœur triste ;
Il y sent déferler comme une charité
Pour tout ce grand orgueil qui, tout le jour, persiste ;
Mais qui n’ose fléchir que dans l’obscurité.

Le charme de la nuit éclaire l’âme sombre ;
Elle y voit mieux en elle au déclin des clartés ;
Elle y sent mieux en soi s’éveiller la pénombre
Où sommeillaient encor les saintes vérités,

La bonté de la nuit caresse l’âme veuve ;
L’isolement de tout la reconnaît pour sœur
Et, comme un hyménée, à la tendresse neuve,
Des ténèbres émane et sort de la noirceur.

Pleurez dans ce repli de la nuit qui soupire,
Vous que la pudeur fière a voués à l’œil sec,
Vous que nul bras ami ne soutient ou n’attire,
Pour l’aveu des secrets… pleurez ! pleurez avec

Avec l’étoile d’or que sa douceur argente,
Mais qui veut bien, là-bas, laisser ce coin obscur,
Afin que l’œil tari, d’y sangloter s’enchante
Dans un pan du manteau qui le cache à l’azur !