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Les Voyages

Ce fut un grand moraliste que Mme Bulteau, qui signait ses livres et ses chroniques du pseudonyme de « Fœmina », plus préoccupée d’observer l’être humain que d’établir une thèse. Elle nous a laissé un livre étonnant de vivacité, de lucidité, de nouveauté psychologique, L’Âme des Anglais (1910), mais qui pèche par des longueurs, une composition médiocre, une forme de plaisanterie qui vieillira peut-être vite, et Un Voyage (1914) : des notes sur la Belgique, la Hollande, l’Allemagne, l’Italie, où se trouvent ses plus fortes pages.

À Mme Reynès Monlaur, nous devons aussi deux tomes sur Jérusalem. J’ai déjà signalé, à propos de ses romans, la grande voyageuse qu’est Odette Keun ; il convient de faire ici une place à Isabelle Eberhardt, bien qu’elle laisse aussi un roman, d’ailleurs inachevé : Trimardeur. Isabelle Eberhardt était fille d’une Allemande et d’un Russe ; née en 1877, à Genève, elle est morte en 1904 en Afrique, dans une inondation, après une vie douloureuse. Elle était devenue musulmane, avait épousé un sous-officier spahi, et fit de grandes randonnées dans le Sud-Oranais et le Sud-Constantinois. Elle n’a rien d’une moraliste, elle est fruste et simple dans sa complexité. C’est une manière de peintre littéraire et de mystique, de grand talent, qu’on n’a pu mieux comparer qu’à un Loti féminin (À l’Ombre chaude de l’Islam, Pages d’Islam). C’était une mélancolique, ardente et discrète errante.

C’est aussi de Pierre Loti qu’on a rapproché la Princesse Bibesco quand, au sortir de l’adolescence, elle écrivit ses frais Huit Paradis (1908), qui ravirent Jean Moréas, Henri Bidou et Robert de Montesquiou.

Ajoutons, à ces souvenirs de voyage, Les Dévoilées du Caucase, de la duchesse de Rohan, Le Jardin fermé de Mme Marc Hélys, scènes de la vie féminine turque, et Clartés, de Mme Dauguet, récit d’un séjour en Italie.

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  1. Mme Charasson, l’auteur de ce chapitre, a précédemment publié À Hente, poèmes, Jules Tellier, critique, Grigri, récits. Elle donne depuis une douzaine d’années des critiques régulières dans nombre de journaux et de revues, et a reçu en 1920 le Prix de la Critique.