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LA LITTÉRATURE FÉMININE

PAR
HENRIETTE CHARASSON


Entre 1900 et 1905, il se produit dans la littérature française un phénomène qui ne s’était encore jamais vu : l’éclosion simultanée de talents féminins de premier ordre tels qu’on cria au miracle, et qu’il y avait réellement là quelque chose de merveilleux. L’apparition foudroyante d’écrivains comme Mme de Noailles, Colette, Gérard d’Houville, Marcelle Tinayre et Lucie Delarue-Mardrus, la faveur dont les entoure immédiatement le public, confèrent soudainement à la littérature féminine une importance extraordinaire. C’est une révélation, un transport… L’âge précédent n’avait cependant pas manqué de femmes de valeur, depuis Juliette Adam jusqu’à Séverine, sans oublier Rachilde.

Je dois parler premièrement de ces précurseurs, des femmes qui, ayant débuté ou s’étant fait un nom avant 1895, ont continué de vivre et d’écrire durant la période qui nous occupe.

D’abord leur doyenne : Mme Adam.




Les Précurseurs

Mme Adam (Juliette Lamber), née à Verberie (Oise), en 1836, mariée à seize ans à M. La Messine, devint veuve et se remaria avec Edmond Adam ; son salon fut un centre politique considérable. Elle fonda, en 1879, la Nouvelle Revue, où elle publia de retentissantes Lettres sur la Politique extérieure, et où elle révéla presque tous les écrivains qui allaient se faire un nom de 1880 à 1900.

Les ouvrages politiques de Mme Juliette Adam sont trop liés à l’actualité pour demeurer ; ses romans[1], sans qualités intrinsèques de style, sans force ni vraie pénétration psychologique, ont eu un succès que nous ne nous expliquons plus. De la très abondante production de cette autoresse, il ne resterait sans doute rien, que le souvenir d’une intelligence éclatante et suggestive, d’une rayonnante influence, si Juliette Lamber n’avait écrit ses

  1. Laide (1877), Païenne (1882), Chrétienne (1911) etc.