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Marie Lenéru, forcée par son infirmité de se replier davantage encore sur elle-même, restera par ce Journal auquel elle ne venait que dans ses « migraines morales », qui n’était pas écrit « pour être publié », mais dont elle désirait « qu’il fût publiable ». D’une séduction moins immédiate que Marie Bashkirtcheff, Marie Lenéru retient par une autre qualité d’âme et même d’intelligence : passionnée de perfectionnement dès son enfance, elle nous frappe jusqu’à sa fin par son besoin d’absolu, sa violence intime contrôlée par la volonté et par cette persistance en elle de l’esprit catholique, même après qu’elle eut perdu la foi. Cette cornélienne, qui avait rêvé d’être carmélite, demeurait toutefois femme et s’avouait qu’elle eût préféré la séduction d’une élégante à «tout le talent et toute la laideur des Eliot et des Staël »[1].


La Poésie

Parmi les poétesses qu’il me reste à signaler, il faut compter, immédiatement après les plus grandes, Mmes Mendès, Cécile Périn, Perdriel-Vaissière, Harlette Gregh, Hélène Picard, Marguerite Burnat-Provins, Cécile Sauvage, Marie Noël, Jeanne Termier-Boussac, Amélie Murat.

Tournons-nous d’abord vers les amoureuses discrètes et les maternelles.

L’apparition des Charmes (1904), de Mme Catulle Mendès, excita un grand enthousiasme parmi les critiques. Dans le Cœur magnifique (1909), il y a moins de spontanéité, moins de grâce et plus d’habileté ; elle y fait preuve d’un vrai talent, mais qui ne sait se borner ; romantique du Parnasse, ses vers souples et travaillés coulent sans tarir ; elle-même a écrit : « Mon ivresse est sublime, ardente et monotone. » Pour moi, qui n’aime pas beaucoup non plus ses recueils de souvenirs, Mme Mendès reste l’auteur d’un ouvrage à la vérité unique : La Prière sur l’Enfant mort ; c’est un grand livre français que ce livre de la guerre, et un pur livre féminin. Elle a su y exprimer naturellement le plus intime d’elle-même en mots simples et directs, qui entrent dans le cœur comme des lames.

  1. Autres drames : Le Redoutable (1912), La Triomphatrice (1918), La Paix. Elle laisse un Essai sur Saint-Just et des pièces inédites.