Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
ALLER ET RETOUR

sur le Broadway : des centaines de voiturettes noires sortent des rues avoisinantes, et se groupent comme des mouches sur le trottoir lumineux. On se promène nu-tête. On enveloppe les timbres de papier huilé. Les bureaux sont tapissés de casiers enfermant le détail infime de la vie qu’une fiche retrace en un instant. Des enfants se battent, ici comme ailleurs, mais ils prennent l’attitude du boxeur, l’attitude scientifique : calcul des coups, tête enfoncée, poing mesuré, regard intense et froncé, sautillement encerclant.

Je vais vers l’Université, en brique soutenue de pierre. Une inspiration française se révèle autour de la bibliothèque. Des étudiants y vivent, libres dans une atmosphère de travail. Mes yeux les remplacent par les nôtres, ainsi qu’au cinéma les images se superposent.

Le cinéma habite un gratte-ciel qui sera dépassé demain : le Paramount. C’est de style nouveau riche et colossal. La formule marque un effort. Des ors, des peintures, des marbres, de grands escaliers doublés d’ascenseurs rapides. Cela fait un amusant dix-septième siècle américain. Sur le parquet de la galerie des glaces, des bouts de cigarettes.




Le « De Grasse ». Un garçon à qui je tends un pourboire me dit : « Merci m’sieu ». Sois béni, toi par qui je rentre ainsi dans le bien-être de ma civilisation, qui m’y replonges du mot qu’il faut,