Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
ANGLAIS — FRANÇAIS

mêmes, s’ils n’avaient pas réalisé, grâce aux ressources de leur esprit créateur, l’unité du territoire, de l’administration, du droit, de la langue, des institutions. S’il leur manque l’unanimité spirituelle, à peu près impossible chez un tel peuple, ils ont du moins provoqué un resplendissant « climat de culture » qui vaut l’atmosphère alourdie où s’enferme la ténacité anglaise.

De ces défauts et de ces qualités, que nous reste-t-il ? La psychologie comparée de l’Anglais et du Français pose d’abord ce troublant problème : à quel point sommes-nous anglicisés ? Je ne dis pas américanisés, car c’est tout autre chose.

La langue, à coup sûr, s’appauvrit par l’anglicisme et les tournures d’une syntaxe hybride ; mais la pénétration anglo-saxonne est plus insidieuse et plus profonde : l’engouement irraisonné par exemple, et d’autant plus dangereux, pour la pratique ; le peu de cas que nous faisons de l’intelligence et le mépris où nous affectons de tenir la théorie ; l’absence d’une action fondée sur une doctrine ; l’affaiblissement, que dis-je, la disparition du goût qui devrait être pour nous une forme d’organisation spontanée ; la régression de nos élans instinctifs sous la self-consciousness d’un groupe étranger et qui raidit nos traits jusqu’à les rendre méconnaissables dans une placidité d’emprunt. À moins que ces critères ne soient faux, ce que je souhaite. J’ai cru à la persistance d’un Canada français, au point de l’exalter en tout lieu, et sans prêter l’oreille au doute. J’y crois encore car les forces collectives y vibrent toujours, et l’on