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LE FRONT CONTRE LA VITRE

naîtrez la lettre d’un pauvre estropié qui, jadis, lorsqu’il était en bonne santé, était bien connu de vous. Elle est mal écrite et toute souillée parce que, entre autres inconvénients, celui qui l’écrit n’a qu’un doigt entier à la main droite et qu’il lui est difficile d’éviter de tacher le papier du sang qui coule de ses blessures, non encore cicatrisées. Il se sert de poudre d’arquebuse en guise d’encre et du sol en guise de table. » Elles s’élèvent de partout ces saintes exaltations : « Je m’estimerais trop heureux si Dieu avait permis que je tombasse entre les mains des Iroquois. Leur cruauté est grande, et de mourir à petit feu, c’est un tourment horrible ; mais la grâce surmonte tout, et un acte d’amour de Dieu est plus pur au milieu des flammes que ne le sont toutes nos dévotions séparées des souffrances. » Ils sont partout les faits divers sublimes qui racontent la mort : « Trois jours après, le deux février, un soldat et deux Hurons envoyés à sa recherche trouvèrent le corps gelé du missionnaire à quatre lieues au-dessus du fort. Il était à genoux, la tête découverte, les bras croisés sur la poitrine et les yeux ouverts regardant le ciel. » Ces luttes, ces espoirs, ces douleurs, comme nous les connaissons mal ; et jusqu’à l’ingratitude.

On se tromperait à ne chercher en ces hommes que des idéalistes : hardis comme des conquérants, ils ont été des constructeurs. À la suite de Champlain, ils prêchent comme un devoir la culture qui attache au sol. Ils font mieux : ils donnent l’exemple du travail « en gens vigilants et laborieux » qui veulent « se passer des commodités de Fran-