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AU PAYS DE LA DÉCOUVERTE

que nous portons en nous. Exemple aussi de ténacité triomphante. Notre destinée s’accomplit dangereusement. L’îlot français d’Amérique subit de tous côtés l’assaut de marées montantes : l’immigration que déverse sur lui l’Europe menace son influence ; l’action politique de ceux qui, pour un temps, sont les vainqueurs, sape sa religion et sa langue, les mouvements d’expansion économique risquent d’emporter ses vertus françaises. Ces vertus, il s’efforce de les garder par ses traditions. Or, nul n’ignore que les traditions ne durent que si elles sont cultivées. Et voici qu’en chantant elles pénètrent dans Paris, foyer des peuples qui, comme le nôtre, partagent l’inquiétude du génie français.

Paris, nous y sommes si souvent revenus comme vers un point de départ. « Paris a mon cœur dès mon enfance », disait Montaigne. Ainsi des Canadiens français. Ici, Jacques Cartier retrouvait le Roi de France, et Champlain, notre plus grande figure, ramenait ses espoirs. La délégation qui est là est composée d’avocats de la province de Québec : le Code Napoléon nous régit, règle nos familles et nos biens et, au fond de ce Code, il y a la Coutume de Paris. Je me rappelle la part prise par Paris à la formation de plusieurs des nôtres qui sont revenus chez nous s’associer à l’élite. On a risqué ce mot : Être aimé par Paris, c’est embrasser la France sur la bouche. Il me semble qu’être bercé par Paris, c’est garder toute sa vie la douce chanson de France. Chez nous, comme en France, se poursuit la tâche du paysan têtu ; on retrouve l’effort attentif de l’artisan et, en regardant bien, la prudence bourgeoise qui nous sert