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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Devant l’invasion des infiniment nombreux, sous l’étreinte prochaine, presque fatale, notre langue a tenu. Elle s’est perpétuée avec la race, en gaieté, sans autre souci que d’exprimer, sans autre principe que la discipline instinctive de la vie. Des mots étrangers qu’elle a accueillis, chemin faisant, il en est qu’elle n’a pas voulu toucher, comme pour leur conserver leur physionomie d’intrus ; mais elle a transformé les autres à sa manière, s’amusant à coiffer leur royauté shakespearienne d’un bonnet phrygien. Cela fait, au premier abord, un mélange assez cocasse où l’on découvre des procédés de francisation qui expliquent, s’ils ne les justifient pas, des barbarismes qui ont le tort de n’avoir pas été fabriqués en France.

Les mots anglais, et qui le demeurent, les mots qui semblent incrustés, mais qu’une occasion fera disparaître, ne présentent guère d’intérêt. Tout au plus, pourrait-on en dresser une liste, comme on a fait ailleurs, et qui serait une preuve, plus ou moins lourde, de négligence et de pauvreté. Quelques-uns se prononcent au Canada comme en France, et nous avons plaisir à surprendre ainsi la vertu de nos cousins ; mais, la plupart des mots que Paris a dérobés à l’Angleterre gardent, chez nous, leur résonance britannique : nous prononçons dandy, cottage, sandwich, et tant d’autres, ainsi que l’on fait, sinon à Londres, du moins à Montréal, côté cour ; et celui qui s’aviserait de lancer gentleman avec l’accent français provoquerait des sourires ou se classerait européen.

Des mots francisés depuis longtemps, et délicieusement si ce fut au XVIIIe siècle, conservent au Ca-