Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

nable liste dressée par la Société du Parler français : le regard, vite fatigué par les autres, va de lui-même vers eux pour discerner, sous une graphie familière, le sceau de la race. Vain espoir, car il faut attendre d’autres glossaires ou le retour de quelque fervent qui aura prêté l’oreille aux quatre coins de la France et apparenté nos orphelins. Pourtant n’est-il pas un critère plus sûr que toutes les hypothèses : le milieu, c’est-à-dire, les habitudes qui cristallisent en mœurs, l’éternel recommencement des travaux humains, les certitudes du climat ? Eh bien, non ! Les mots n’ont pas de milieu, s’ils ont une patrie : l’homme venu de loin vers une terre étrangère les porte en lui et les repose sur les mêmes choses. On nous abandonnait poudrerie, dont nous sommes fiers, et qui exprime la tourmente d’hiver, émiettée, sèche, bourdonnante ; et voilà que poudrerie, qui existait déjà au XVIIIe siècle, aurait été trouvé, toujours en Normandie ; nous avions banc de neige, jusqu’à ce que nous l’ayons rencontré dans l’imagination poitevine ; on nous a prêté à la brunante que des dialectes pourraient revendiquer de très près ; l’amoureux est chez nous le cavalier et l’amie, c’est la blonde, par habitude de gens du Nord ; mais cavalier, c’est déjà le XVIe siècle et la blonde, c’est une chanson militaire ; char, que nous opposons à tramway ainsi que des triomphateurs, est dans Lammenais.

Il reste tout de même enneigé, pont de glace, clair d’étoiles, que René Bazin nous emprunte ; patinoire, plus élégant que skating ; camp ou campement que nous préférons à camping ; et magasiner, que nous offrons à la France pour ce que vaut