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ALLER ET RETOUR

çais, le Français même devenu par tant de côtés l’étranger, tous les traits désarçonnants, déconcertants, d’une période d’adaptation.

Muré dans une chambre d’hôtel que j’accusais de toutes mes désillusions, devant une table à tout mettre, près de lits longuement défaits, j’éprouvais même, certains jours, le vague désir de partir. J’allais volontiers vers la province, vers la France d’hier et d’aujourd’hui. Pourquoi donc revivre dans un adieu ce que je croyais n’avoir pas éprouvé ? J’analyse. Je cherche. Le regret me serre la gorge. Il m’étreint de toute ma dernière journée de Paris. Il faisait soleil. Je me mêlais à la foule. J’étais Français, dans les rues, dans les magasins, au café. Je reprenais une vie pleine dont j’avais été lent à m’apercevoir. Le décor retrouvait son âme. J’étais à Paris. Je le sais maintenant, parce que je l’ai quitté.

Le bateau, appuyé d’un remorqueur, a tourné sur lui-même, prudemment. Le lointain scintille encore. Puis, la nuit totale, à babord et à tribord ; car je m’en suis assuré. Je suis seul. Je dis tout bas : c’est fini…

Des souvenirs remonteront des choses et des êtres vers le cœur : l’échange de la monnaie française, le goût d’une cigarette, un achat retrouvé, une figure évoquée, une heure revécue. Ainsi peu à peu se drape un voile sur la mort.