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ALLER ET RETOUR

nord s’esquisse, adoucie par une légère transparence qui blanchit l’horizon. Les courbes des Laurentides sont douces et souples. Quelques pans se détachent qui marquent un amphithéâtre à peine distinct. Le golfe n’est plus qu’un million de vagues gracieuses. Tous les verts, jusqu’au centre bleu. La rive sud, beaucoup plus près, se dessine magnifiquement. Nous passons Matane, pays plus ancien où la culture découpe des étendues blondes, sans vie apparente à cette aurore du printemps, encore automnales et comme ensommeillées. Plus haut que les champs, la forêt dont les lambeaux divisent les prés roux. Plus loin encore, espacées, des montagnes aux lignes disciplinées. Plus loin toujours, un pic neigeux que prolonge la pureté du ciel. Le bateau est au centre de cette radieuse beauté. Il laisse après lui une traînée rutilante, bordée d’écume. Les mouettes entêtées encerclent de leur vol lumineux le point vif de l’Union Jack. Elles oscillent par centaines dans l’air et se suivent, les ailes droites, à peine agitées. Les plus éloignées inclinent vers la mer. Elles se posent, blanches. Là-bas, elles se confondent avec les crêtes des remous.

Je me tiens debout sur le pont supérieur. Mes yeux ne se lassent pas de cette majesté, de ces couleurs, de cette harmonie, de cet accueil. Oubliés, le brouillard et la tempête qu’un peu de neige souillée et frileuse rappelle sur un coin de pont où on l’a poussée, comme un déchet. Le soleil baigne tout le pays, pénètre jusqu’aux reliefs qu’il efface, ne laisse que quelques ombres à peine tracées, nettoie la mer, la peint de mille couleurs mouvantes, éclaire l’hori-