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LE FRONT CONTRE LA VITRE

résout, mettons qu’on s’y résigne, pour assouplir la mémoire et parce que, me dit-on, le terrible examen est la pierre de touche de la docilité de l’élève et du zèle du maître.

Il y a lieu, sans doute, de cultiver la mémoire, les mémoires, car on en compte plusieurs, mais pourquoi ne pas les nourrir de belles choses et faire intervenir la raison ? Par malheur, le livre, comme on l’emploie, n’est qu’un instrument. Autant démonter un mécanisme pour le seul plaisir de dénombrer ses pièces, sans s’inquiéter de leurs fonctions. Que demeure-t-il des noms de rivières, de montagnes, de ports ou de villes accumulés « l’espace d’un matin » ? N’ai-je pas rencontré cette question : « Énumérez les principales baies de la côte de l’Atlantique » ? Et ces gouverneurs du Canada retenus à la file comme font, des rues de Montréal, les contrôleurs de nos transports en commun ! Quelle sécheresse en soi qu’une règle de grammaire si on ne l’a pas, en l’appliquant, vivifiée de nuances ! Quelqu’un m’a confié qu’il avait appris la stylistique par cœur : dites, ne dites pas ! Espère-t-on provoquer l’amour de la langue par l’ennui ?

Il y a deux mondes : celui des manuels et l’autre, le monde extérieur dont on néglige les leçons. Nous nous installons dans un décalque et, ce qui est plus grave, nous en prenons l’habitude au point de ne pouvoir plus en sortir. La vie, dans ce refuge que nous prenons pour une formation, nous laisse dépourvus. Notre science des choses n’est pas adaptée aux choses, si bien que nous ne trouvons pas de solution immédiate au problème le plus élémentaire