Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
IN HYMNIS ET CANTICIS

loir austères, d’une gravité ecclésiastique, éclairés par des jours rares et parcimonieux, qui disposent à la sévérité morale, à la vie intérieure ; parfois un écusson, un mascaron, un motif fleuri souriant sur une vieille porte ; un simple nom de rue, comme celui de la Claire-Fontaine ; des villages, surtout, des chapelets de villages alignés le long des rivières, avec leurs humbles églises et leurs petits clochers, qui mettent une âme dans ces campagnes ; ces villages aux trottoirs de bois, ces villages qui portent les noms de Longueuil, de Sorel, de Gaspé, de St-Ours, de Contrecœur, de Ste-Anne, de Grondines, de Varennes, de l’Espinaye, de l’Ange-Gardien, de Rivière-du-Loup, tout cela compose là-bas une poésie française ; même les paysages ont quelque chose de champêtre, la nature y a pris une physionomie domestique ; l’homme à force de travail, l’a formée à sa ressemblance, et cette ressemblance est celle de nos contrées. Il y a un air de famille répandu sur les choses, qui fait que nulle part on ne s’y sent étranger. Cette nature lointaine est devenue hospitalière. C’est un double de chez nous, non pas à la façon de ces villes des États-Unis qui s’affublent des noms illustres d’Utique ou de Syracuse ; non, c’est quelque chose de bien plus réel et de bien plus profond. On dit qu’on emporte la patrie à la semelle de ses souliers. Ces Français de jadis, en transplantant là-bas leurs vertus, leur courage, leur patience, en défrichant et en remuant cette nouvelle terre, en l’épousant et en la rendant féconde, en ont fait un morceau de France. »