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LE FRONT CONTRE LA VITRE

temps vagabonder d’esprit, je me replie sur la Lorraine pour être en paix avec mon cœur. »

Il a élu sa patrie, choisi de s’y conformer et de la servir. Est-il nécessaire que nous entendions à notre tour ce conseil, que nous suivions son exemple ? Nous restons fidèles au passé qui n’est plus en nous et dont les richesses seraient, si elles étaient reprises et exploitées — avec quelle acuité nous le sentons parfois — notre salut. Il n’importe. Les tristesses ne manquent pas non plus autour de nous : celles que nous nous forgeons, celles qui se lèvent trop souvent d’un milieu rétréci de satisfaction. Apprenons à « rejeter les copeaux de la journée », à porter, dans le contrat que nous ferons avec la nation, ce que Maurras appelle « la clause de l’espérance ». Le bon peuple n’a cure de ces subtilités. Il obéit à la chair et s’inquiète peu de la pensée. Quelques jeux d’ordre patriotique raniment sa foi qui est tenace au point de ne pas s’interroger. Pour vivre et résister, il lui suffit de la haine sourde que couvent les mots d’entente ou de fair play et qui couvrent les hypocrisies politiques. Il s’ennuie bien un peu, sa vie se décolore. Au contact absorbant du foyer anglo-saxon où il est plongé comme une braise, il prend, sans le savoir, des attitudes comiques. Il subit le danger lentement, sans se rendre compte qu’il le subit. Mais enfin il a pour lui la chair encore, si l’esprit risque de l’abandonner.

C’est à l’élite de reprendre l’esprit à son compte. Qu’elle accepte la tâche, même si elle lui paraît comporter l’abandon d’orgueilleuses intimités. Certes, il serait plus beau, ou plus consolant, de s’abandonner