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LUMIÈRE DU NORD

Le Canadien, Français d’origine, devenu quelques millions, — et cela démontre déjà l’irréductible persistance de la chair — témoigne d’une civilisation au milieu d’une poussée anglo-saxonne vingt fois plus forte. Son énergie missionnaire n’est pas tarie : il répand la foi sur ce continent, et jusque dans des terres disgraciées. Il a, depuis Lafontaine, contribué à maintenir la règle de l’autonomie ; et il exerce encore, quand il le veut, une influence qui dépasse les limites du pays et surveille la marche de l’Empire. Contre des pruderies violées et parmi un flot d’injures, il a gagné la bataille du vin de France, banni de partout. Au sein de la prospérité américaine, il demeure fidèle à l’ordre et garde un reste de mesure française que l’Amérique éprouvée lui envierait, si son caractère anglo-saxon et ses habitudes de puissance lui permettaient de l’apprécier. Il a défendu sa langue et cultivé l’humanisme, et il est excellent qu’il se demande si cet attachement est bien solide ; s’il ne gagnerait pas, d’autre part, à le rendre plus apparent aux yeux de ses voisins. Enfin, il dégage une note d’art que les Anglo-Canadiens lui empruntent comme une chose rare qu’il faut préserver en la faisant revivre.

Il est très curieux, cet éveil de l’intérêt anglo-canadien. Je ne crois pas qu’il tienne à une affection spontanée, mais bien au penchant de l’âme anglaise pour les choses de la nature ou de l’histoire, et qui se traduit par une sentimentalité correcte dont on ne sait si elle est sincère que le jour où elle a inspiré des actes. Les Anglo-Canadiens évoquent volontiers les souvenirs historiques de notre province française,