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LUMIÈRE DU NORD

notre table et banni les conserves du voisin. Les batailles électorales continuent, naturellement ; des revues naissent et meurent ; des sociétés s’agitent et « vendent le pays » ; mais, dans les banquets, qui restent innombrables, le Canadien français lève son verre, cette fois avec un juste orgueil, aux expressions renouvelées de beauté française que son geste a semées. Ce n’est qu’un rêve, un rêve de « théoricien ». Pauvre théorie, dont le nom couve la paresse et dore l’ignorance, pourquoi ne chantes-tu pas à ton tour les bienfaits que la pratique, jusqu’ici, nous a procurés ?

Ce n’est qu’un rêve, et pourtant « il tourne » ! Et dire que notre figure ainsi faite, on viendrait la voir de partout. Il y a vingt-cinq ans, les hasards de l’amitié m’ont fait visiter, en rade de Saint-Nazaire, le Léon Gambetta qui revenait d’Amérique. Je demandai au commandant ses impressions sur le Canada : « Je ne suis pas allé jusqu’à Montréal, m’avoua-t-il, c’est une ville cosmopolite ; mais j’ai beaucoup aimé Québec à cause de son originalité ». — « Si vous visitez l’Allemagne, me disait quelqu’un vers la même époque, brûlez Berlin ; voyez plutôt Munich. » Ces deux réflexions m’avaient suggéré de conseiller à mes compatriotes — j’étais jeune — d’attirer le touriste. Ce n’était pas une idée neuve, si la France, l’Italie, la Suisse et l’Allemagne s’en nourrissaient depuis longtemps, mais c’était une idée vivifiante en ce qu’elle nous révélait la valeur économique de notre caractère français. S’enrichir par sa seule fidélité, cela se voit, mais pas tous les jours. La revue où je publiai mon article est morte à l’âge