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Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/101

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« Il vient de naître », disait-il plaisamment pour marquer l’ingénuité d’un de nos plus grands hommes politiques. Certes, il était trop averti des hommes et des choses pour qu’on en pût dire autant de lui-même ; mais il n’avait pas vieilli. Suivant une expression un peu passée pour ce qu’elle exprime si joliment : il avait su conserver, sous les années, toute l’éclatante jeunesse du cœur. Il avait gardé la plupart de ses anciennes amitiés. S’il racontait le passé, c’était sans mélancolie apparente. Un mot le mettait joyeusement sur la route d’un souvenir. Il jetait dans la conversation nombre d’anecdotes savoureuses où il laissait percer, sous une ombre de sentiment, une pointe d’ironie fine. Non, la vie ne l’avait pas atteint. Il regardait avec indulgence le monde évoluer, et se modifier les idées. Il était d’une aimable philosophie, jugeait les hommes comme ils croient être et les choses comme elles sont.

Il causait surtout du pays, de son passé, de ses progrès, de son avenir. Rien de ce qui concernait le Canada ne pouvait le trouver indifférent : il s’arrêtait aux moindres détails, attachait quelque prix au plus petit événement et mettait une légitime complaisance à discourir des choses de chez nous. Mais toujours, et malgré le tour de la conversation qui se faisait parfois léger et paradoxal, on reconnaissait chez lui l’attachement profond, inébran-