Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/111

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vaient pas fini par agacer sa placidité paysanne, s’il ne sentait pas qu’une dernière concession serait une irrémissible faiblesse, si, subissant les mêmes affronts, il n’avait pas compris, au même tressaillement de son être, la nécessité de recommencer l’histoire. Laboureur, il y est habitué ; le même sillon se creuse où la terre s’est fermée.

Il a vécu. Comment voudrait-on qu’il eût fait mieux et de plus essentiel ? Pouvait-on lui reprocher, comme l’a fait Durham, de n’avoir ni littérature ni histoire ? Et si l’importance que donnait cet Anglais à la littérature peut constituer pour nous une singulière leçon, qui ne voit pourtant combien cette remarque était injustifiée et maladroite à l’époque où elle était formulée ? Pas d’histoire ni littérature ! Vraiment ce grand seigneur avait beau jeu. Que n’en demandait-il davantage encore ? Et pourquoi, par exemple, ne nous gourmandait-il pas de n’être, après tout, que de pauvres et honnêtes gens, de mœurs sévères, d’habitudes modestes, d’esprit pondéré ? Avions-nous eu le temps d’écrire et de chanter, de fonder des arts et d’établir des fortunes, quand notre premier et unique souci devait être de durer et de protéger jalousement, contre les empiètements de prétendus civilisés, des droits qui dépassent les plus beaux poèmes, fussent-ils de Shakespeare ; quand notre langue, pieusement parlée, on ourdissait déjà dans l’ombre