Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/149

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au sol natal qu’il aimait pour sa rude simplicité, pour sa beauté sans artifices. Dans la critique remarquée qu’il fit des Fleurs de Givre du poète Chapman, il évoquait en passant « la blancheur diaphane de notre neige, puis, dans la translucidité de ses cristaux, par-delà les saisons, les fleurs écloses au printemps, notre bonne eau d’érable coulant à flots d’or, les blés mûris couchés dans la plaine, les grands vergers qui laissent tomber leurs fruits et leurs pauvres feuilles desséchées »… Dans ses cartons, j’ai retrouvé cette rêverie écrite peu de temps avant sa mort : « Il est minuit. De la véranda où je suis seul, dans une presque obscurité, le regard porte vers Montréal qui repose… Le ciel d’un bleu tout à fait pur laisse les étoiles se détacher en un scintillement très doux. Tout au fond, là-bas, le Mont Royal, perceptible un peu sous les rayons lunaires, semble un ruban de velours grisâtre. En deçà, et jusqu’à mes pieds, le fleuve, que des îles divisent en deux nappes, est une glace d’argent coupée de nervures de bronze vert. J’aime jusqu’à la griserie contempler ce spectacle qui ranime en moi le souvenir de tant de jours heureux ici même écoulés, jours de mélancolie, jours de souffrance, — de souffrance et de bonheur infinis. »

Sa vie est dans ces deux mots, repris volontairement, unis comme pour en peser toute l’humaine compensation. Le mal qu’il endurait ne terrassa