Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/15

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en état de l’affronter. Notre patriotisme, sans avoir perdu ce quelque chose de grave et de concentré qu’il acquit dans l’épreuve, s’est exalté, échauffé. Par la force des choses, devant la menace de la grande bataille, les querelles intimes se sont tues. L’unité française s’est resserrée. »

Le danger est venu ; et la France était unie devant lui. Lorsque l’appel aux armes retentit, la nation put l’entendre dans le calme de sa décision, et l’accepter. Elle fit l’admiration de tous. Ceux qui ne la connaissaient que de surface, qui n’avaient pas pénétré son âme, riche et diverse, avaient pu un instant douter d’elle, tout en lui conservant leur amicale sympathie. Mais la France s’était relevée de sa défaite ; depuis 1870, elle avait refait ses forces. Ce pays, où s’agitait un esprit libre, mobile, volontiers frondeur ; pays de la pointe et du mot, où d’aucuns ne voulaient voir que raillerie, élégante facilité, insouciante gaieté ; ce pays, par pudeur, ne se livrait pas. Pour le juger, ceux qui avaient pu l’étudier d’un peu près cherchaient à définir sa pensée abondante, ses activités intellectuelles, la générosité de son cœur ; à expliquer la hardiesse, si souvent féconde, de ses arts, la plénitude de sa vie populaire, où fourmillent les idées, les espoirs, les rêves. Ce pays, si léger qu’un ennemi inattentif a cru pouvoir le vaincre au seul bruit de sa lourde course sur ses routes blanches et riantes de soleil,