Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/33

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les penchants peu dangereux que les sourires complices de son père cultivent en elle. Plusieurs fois, lorsqu’il était secrétaire de Lorgeril, Robert a dû s’ingénier à satisfaire les mille caprices de la petite. Il ne la remarquait pas : une enfant ! Mais aujourd’hui qu’elle a changé, que sa grâce s’est révélée, qu’elle a souri à ses vingt ans, il se sent porté vers elle de tout son être, de tout son cœur, subitement, pleinement épris. Jusque-là, Robert n’avait rencontré que des complaisances, aussi décevantes que faciles : il n’avait pas aimé. Cette fois, il connaît la grande passion, l’amour-vérité, l’amour-conquête, qui brave jusqu’au ridicule, qui souffre de ne pas trouver, pour s’exprimer, des mots aussi nouveaux que lui-même. Et Robert Lescœur, amoureux, heureux comme jamais il ne l’été, comme jamais il n’avait cru pouvoir l’être, décrit, dans l’exaltation d’un romantisme débordant, sa folie, le sentiment qui l’étonne et l’enchante, qui le possède tout entier, pour la vie.

Par timidité, par amour plutôt, il a gardé son secret. Les quelques heures d’intimité charmante qu’il a vécues auprès de Louise, il les a données uniquement au bonheur d’être près d’elle, de l’observer, de la suivre des yeux dans ses gestes familiers. Il doit aller faire une période de service à Chartres : sa décision est prise, il parlera au retour. Hélas ! la désillusion le guette, en plein bonheur.