Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/38

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contraire, pourquoi ne pas assurer soi-même sa propre fortune, créer les situations, forger les idées et provoquer les faits, faire sa vie, enfin, comme disent les philosophes de notre siècle. Être le maître de sa destinée, c’est la dompter à sa fantaisie.

La réalité semble aussitôt lui obéir : il connaît enfin l’enivrement du succès. Un duel agite autour de lui l’opinion, un instant intéressée. Sa photographie est dans les journaux, en assez bonne place, avec un mot, trop bref sans doute, mais sympathique. Un fonctionnaire a été renvoyé sans qu’on en sache au juste la raison. Lescœur interpelle. Il monte en tremblant à la tribune. Son début est embarrassé ; puis, il se ressaisit sous tous ces regards qui portent jusqu’à lui les sentiments les plus divers. Il est le centre d’une agitation, d’un remous. Son action s’additionne cette fois de toutes les convoitises qu’elle suscite. Et puis, Dargeau est sous-secrétaire aux Beaux-Arts : s’il allait le renverser de ce demi-piédestal où il n’est monté que de la veille ; s’il allait, du même coup, servir sa vengeance et son orgueil ? Tout cela l’agite au point de le porter jusqu’à l’éloquence. Il tient son auditoire, et il le sait. Avocat, rompu aux joutes de ce genre, il a gardé, pour la réplique, les documents accablants. Les applaudissements couvrent sa péroraison. Le vote est pris. On chuchote d’avance