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jamais connu cette mademoiselle Fay qu’il admirait, alors qu’il était petit clerc d’avoué et qu’elle jouait les pièces de M. Scribe. Il la revit quarante ans plus tard. Elle avait depuis longtemps abandonné le théâtre et, mariée à M. Volnys, elle était venue, en 1872, habiter Nice, atteinte d’une maladie grave. C’est là que Veuillot devait la rencontrer. Il lui en exprima plus tard toute sa joie. « Véritablement, lui dit-il, je me retrouve à Yelva ; et le comble de l’art et de la chance, c’est que Scribe n’y est plus. » C’est un dernier rayon qui lui vient de sa pauvre jeunesse à travers sa vie de perpétuel combat. Il en est illuminé. Il est d’abord surpris, puis ému, attendri. Oui, ces lettres ont un charme de plus : elles sont faites d’un souvenir qui ne s’était jamais exprimé.

Il y a, dans une de ces lettres, un portrait charmant d’Élise, la plus jeune sœur de Veuillot. Au prix de durs sacrifices, il avait autrefois assuré son instruction. En retour, elle lui donna toute une vie de la plus tendre sollicitude. « Alléluia, écrivait Veuillot en 1841, la dot d’Annette est amassée… Si je parviens à finir l’Algérie et quelque autre brimborion cette année, Élise, à son tour, sera pourvue. » Élise refusa de se marier. Elle resta près de son frère et vécut pour lui, comme s’il eût été confié à son dévouement. « Élise est très bonne, écrit Veuillot, très femme, très austère,