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Libres Penseurs où Veuillot raconte leurs deux jeunesses. Le dimanche, ils se retrouvaient au Jardin des Plantes. C’était le rendez-vous. Ils y apportaient leur tendresse, leurs rêves, leurs projets. « Un jour, écrit Veuillot, nous arrivâmes tous deux au rendez-vous dans le même moment, de bonne heure, par le plus beau temps du monde. J’étais plein de mystère et de joie ; une plénitude de contentement débordait dans ses regards, dans ses sourires, dans toute sa personne. Il apportait quinze sous et un saucisson ; j’apportais deux pains de seigle et un billet de spectacle. Ô la merveilleuse journée ! Et que l’on peut être heureux, bonté divine, à raison de sept sous et demi par tête ! ».[1] Ce sentiment ne faiblit jamais. Ils vécurent tous deux les mêmes combats, les mêmes espérances. Louis Veuillot sut conquérir son frère et obtenir sa conversion : et dès lors rien ne pouvait plus les séparer. « Nous avons grandi, continue Veuillot, nous avons vieilli, nous tenant par la main et par le cœur. Présentement, nous sommes en âge d’homme, et, grâce à Dieu, notre enfance n’a pas cessé »[2]. La mort seule pouvait rompre ces liens. Eugène Veuillot fut le fidèle témoin de son frère. Lui qui avait si bien connu son cœur, il

  1. Les Libres Penseurs, édition de la Société générale de librairie catholique (1886), p. 505.
  2. Les Libres Penseurs, loc. cit.