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LES POISSONS

mêmes teintes. Ces modifications protéennes ont induit les naturalistes en erreur. Il est hors de doute que le namaycush du nord, le togue ou tudadi du Maine, des sauvages et des bûcherons du Nouveau-Brunswick, du nord de la province de Québec, le siscowet ou siskawitz du lac Supérieur, la truite du lac Winnipiseogee, et celle des lacs Adirondacks, ont été, chacun d’eux, honorés d’un binôme particulier. »

Si l’on songe que le Canada se compose de neuf provinces distinctes, que plusieurs de ces provinces comptent plus d’un millier de lacs reliés entre eux par d’innombrables cours d’eau ; en plus, des territoires contenant plus de lacs et de rivières que toutes les provinces réunies ensemble, on doit avoir lieu de s’effrayer d’une pareille richesse ichtyologique. Et cependant, depuis les lacs servant de sources au fleuve Hamilton, dans le Labrador, jusqu’à ceux où la rivière Colombie trouve son urne, et depuis les cours d’eau du Nouveau-Brunswick jusqu’à ceux de l’Alaska, il n’en est peut-être pas un seul qui n’alimente — petite ou grande — quelque truite des lacs à laquelle nous consacrons cette page. Ce poisson offre plus d’intérêt dans l’ichtyologie du Canada que n’importe quel poisson de notre histoire. Il n’est aucun peuple qu’elle n’ait nourri, dans ses jours d’abondance, ou qu’elle n’ait soulagé dans sa détresse. Il est connu des pauvres comme des riches : il figure sur la table des festins comme au repas du souffreteux ; il entend les gais refrains des noces et les plaintes de la misère ; c’est la chair secourable, le compagnon du pain, que Dieu répand dans l’eau comme il sème le blé dans la terre. Béni soit à jamais ce poisson universel tombé de la main divine, et traçons en passant quelques notes sur son existence.


ORIGINE DE LA TRUITE DES LACS


Les autorités ichtyologiques, dit Goode, refusent nettement d’admettre que la truite des lacs soit identique à la truite de Mackinaw ou au namaycush, en appuyant leurs prétentions sur leur différence d’habitudes. Toutefois, une étude attentive du poisson mort est suffisante pour convaincre un observateur consciencieux qu’il n’existe aucun caractère constitutionnel par lequel ces différentes formes peuvent être séparées en espèces. Il n’y a aucun doute que les variations locales doivent être prises en considération, et du moment que nous saurons mieux nous entendre sur ce point, il est probable que les zoologistes et les amateurs de pêche finiront par accepter comme races distinctes les types les plus vulgairement accentués, comme cela est admis parmi les chiens, les pigeons et autres animaux domestiques.